mercredi 15 novembre 2017

Hypnose et douleur.


Par Hugues Goyé.

L’hypnose pour traiter la douleur n’est pas une nouveauté. En d’autres lieux et époques, cette technique était très répandue, mais revêtait d’autres aspects et appellations. Considérée comme une forme de magie, elle était l’apanage de guérisseurs, chamanes, et autres sorciers. Elle fut éclipsée en occident à la fin du 19e siècle, en raison de l’apparition des premiers antalgiques et anesthésiants de synthèse.



Aujourd’hui, l’hypnose médicale revient sur le devant de la scène et est enseignée dans quelques facultés de médecine. Le premier DU d’hypnose a notamment vu le jour à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris, sous l’égide du Docteur Jean-Marc Benhaïem. Rappelons que c’est dans cet hôpital qu’officiait au 19e siècle le Docteur Charcot, connu pour ses travaux sur l’hystérie et l’utilisation thérapeutique de l’hypnose.



L’hypnose médicale commence donc à fortement s’ancrer dans le milieu hospitalier. Assurément, elle apporte un confort non négligeable notamment lors des interventions chirurgicales dites ambulatoires. Ainsi, de nouveaux protocoles ont revu à la baisse l’usage de produits anesthésiants et anxiolytiques. Les patients repartent ainsi chez eux moins « assommés » par des charges chimiques importantes.
Efficace dans de nombreux domaines, l’hypnose a largement prouvé ses effets thérapeutiques dans la prise en charge des douleurs chroniques. Des études faites en imagerie ont démontré que l’hypnose pouvait désactiver les principales aires de la douleur : le cortex cingulaire antérieur, l’insula et le cortex somatosensoriel.
Une douleur chronique n’est pas uniquement définie par une douleur aiguë qui persiste. Rappelons qu’une douleur aiguë a en effet pour fonction d’alerter d’un éventuel dysfonctionnement somatique qui mettrait en danger l’intégrité physique.
La douleur chronique est bien différente, car elle est à la fois sensorielle, émotionnelle, cognitive et comportementale. Toutes ces composantes vont l’entretenir et la renforcer. Notons par ailleurs que des études ont révélé que l’intensité de la douleur perçue n’est pas proportionnelle au type de lésion ni à l’étendue des lésions tissulaires. Soigner un patient douloureux, c’est considérer en même temps les aspects somatiques, psychologiques, relationnels qui sont liés, noués entre-eux. La douleur chronique invite donc à dépasser la dichotomie corps esprit, à envisager en permanence l’intrication entre la douleur et la souffrance du patient.
Sans pour autant en faire une généralité, lorsqu’un patient se présente devant un hypnothérapeute, celui-ci est bien souvent considéré comme le dernier recours. Le patient a en effet épuisé toutes les solutions thérapeutiques classiques et notamment les antalgiques puissants de palier II voire III comme les sulfates de morphine ou les chlorhydrates de morphine. En d’autres termes, pour reprendre les propos du Docteur Éric Bonvin, la douleur chronique constitue le point aveugle de la médecine.
Le premier objectif de l’hypnothérapeute est d’amener le patient à se défocaliser de sa douleur, de sorte à lui permettre de se remettre en mouvement en découvrant d’autres perceptions sensorielles. Il est donc très important pour le thérapeute de prendre en considération tout le vécu de son patient, c’est-à-dire, non seulement la douleur, mais aussi explorer tous les impacts dans la vie du patient. Cette approche humaniste est à l’évidence la clé de voûte de la prise en charge de la douleur chronique par l’hypnose. Le premier entretien peut parfois être très long, car l’hypnothérapeute a grandement besoin de connaître l’histoire du patient et de relever ses propres mots – les métaphores, les champs lexicaux – pour les réutiliser lors de la séance. Par exemple, une douleur peut tordre, faire comme un étau, pincer, brûler, donner la sensation d’un tournevis qui s’enfonce entre les omoplates… Pour un enfant il est tout à fait envisageable de lui proposer de dessiner sa douleur.
Le thérapeute va ensuite se concentrer sur deux axes : réduire le stress lié à la douleur et faire diminuer la douleur. Pour cela, il existe plusieurs techniques hypnothérapeutiques dont certaines ne visent pas spécifiquement la douleur, mais plutôt le bien-être général et la diminution du stress. D’autres cibleront la douleur pour la faire disparaître, l’apaiser voire la déplacer vers une partie moins sensible du corps.
Quelles que soient les techniques utilisées, la thérapie a pour objectif d’autonomiser le patient en l’habituant progressivement à utiliser l’auto-hypnose. Il serait en effet complètement illusoire de considérer qu’une séance pourrait définitivement faire disparaître une douleur. Il est vrai que le patient douloureux peut ressentir un soulagement à l’issue de la première séance, mais cette accalmie sera souvent de courte durée. En réalité, il faudra au moins 5 voire 6 séances avant de valider une diminution durable de la douleur.