Beaucoup de mes patients pensent que l’hypnose est une autre forme de sommeil.
Certains me demandent même s’ils vont se réveiller tout seuls après la séance. Voici
donc le premier écueil qui consiste à assimiler l’hypnose au sommeil. À cet égard, la
racine grecque du mot hypnose tend à semer une certaine confusion, car son origine
vient du nom grec du dieu du sommeil Hypnos – son équivalent romain étant
Somnus. En outre, avoir les yeux fermés et présenter une respiration profonde et
régulière est une des caractéristiques du sommeil.
Alors, qu’est-ce que l’hypnose, si ce n’est du sommeil ?
La deuxième erreur assez courante, consiste à qualifier l’hypnose d’état modifié de
conscience – EMC, en ce sens qu’elle fait appel à la rêverie et à une modification des
sensations. Cette désignation est une aberration, car l’hypnose repose uniquement sur
des processus inconscients.
Alors, si l’hypnose n’est ni du sommeil, ni un état modifié de conscience, comment la
définir ?
Il existe une littérature assez importante sur le sujet et l’ouvrage francophone le plus
abouti est assurément « qu’est-ce que l’hypnose » de François Roustang où l’on
apprend que l’hypnose est une forme de veille paradoxale ou plus précisément de la
perceptude, pour reprendre le néologisme inventé par Roustang, néologisme qui fait
consensus chez les professionnels pratiquant l’hypnose médicale.
Étant admis que l’hypnose n’est pas du sommeil, nous pouvons au moins lui
reconnaître la particularité de faciliter celui-ci. Elle est même fortement indiquée
dans tout ce qui touche de près ou de loin aux troubles du sommeil.
Cependant, avant d’expliquer en quoi l’indication hypnothérapeutique est adaptée
aux troubles du sommeil, peut-être faudrait-il se poser la question de ce qui peut
provoquer de tels troubles.
Lorsque je reçois un patient, même s’il vient me voir pour arrêter le tabac, je pose
toujours des questions sur le sommeil. L’heure du coucher, l’endormissement, s’il y a
des réveils nocturnes.
Manifestement, le stress se hisse toujours à la première place dès lors qu’il s’agit de
troubles du sommeil. Je vois quotidiennement défiler des patients stressés qui
avouent ne jamais mettre leur cerveau en pause. En se couchant, ils sont capables de
cogiter pendant des heures. Ils pensent et rejouent leur journée passée et anticipent
sur la journée à venir. Parfois, ils peuvent mettre plusieurs heures avant de
s’endormir. Il arrive même fréquemment qu’ils se réveillent en pleine nuit pour
relancer la machine à cogiter.
Quand je pose la question du stress, ils affirment tous être stressés et anxieux. Parfois
ce stress se manifeste par des troubles somatiques comme une boule, généralement à
l’estomac voire au niveau de la gorge.
Je prends alors toujours le temps d’expliquer à mes patients que le stress n’est pas
nécessairement mauvais. Il nous est utile lorsqu’un événement focalise notre énergie
et mobilise momentanément notre acuité. Ordinairement, lorsque cet événement est
terminé, le stress s’estompe. Malheureusement, nos modes de vie, qu’ils soient
professionnels ou autres, induisent énormément de stress au point que notre corps se met à fabriquer trop de cortisol, une hormone naturelle utile qui est naturellement
éliminée lors des phases de sommeil. Le stress chronique fait donc courir le risque de
ce cercle vicieux caractéristique : stress permanent = fabrication de cortisol = troubles
du sommeil = défaut d’élimination du cortisol = stress permanent.
Les conséquences d’un trop plein de cortisol sont multiples. Ce qui nous intéresse en
premier lieu est la baisse de qualité du sommeil. En outre, l'abondance de cortisol
impacte sensiblement les défenses immunitaires et trouble le métabolisme au point de
faire anormalement perdre ou prendre du poids. Notons également que l’âge impacte
la qualité du sommeil dans la mesure où le corps fabrique moins de mélatonine,
l’hormone du sommeil, déficit qui peut être corrigé par un apport contrôlé de
mélatonine par voie orale.
L’hypnothérapie a très largement prouvé qu’elle faisait baisser le niveau de stress. À
cet égard, je demande toujours à mes patients de m’indiquer l’état de leur niveau de
stress avant et après la séance. La grande majorité passe de 7 à 3. Il arrive même que
des patients passent de l’hypnose à un sommeil profond duquel ils peinent parfois à
s’extraire. Les exercices d’auto-hypnose sont donc très utiles pour court-circuiter les
cogitations au moment de l’endormissement. Je donne souvent des exercices de
cohérence cardiaque associés à de l’auto-hypnose à mes patients insomniaques. Très
rapidement, ceux-ci finissent par recouvrer un bon sommeil.
Par ailleurs, pratiquer l’hypnose dans la journée est salutaire et j’ajoute même que je
la conseille vivement pour régler les troubles du sommeil. Pour appuyer mon propos,
j’évoque souvent les animaux de compagnie qui semblent dormir mais qui sont
néanmoins dans un état de vigilance significatif. Au 19 e siècle, le philosophe Hegel
parlait de magnétisme animal, magnétisme qui désignait à cette époque l’état
hypnotique. Jusqu’à preuve du contraire, l’homme étant un animal, pourquoi ne
prendrait-il pas un peu de son temps dans la journée pour se laisser aller, non pas au
sommeil, mais à la rêverie, la contemplation voire la méditation.
Ces exercices de
lâcher-prise ont aujourd’hui largement prouvé qu’ils faisaient notablement baisser le
stress et provoquaient un bien-être durable avec des conséquences physiologiques
très positives.