Avez-vous
déjà entendu ce mot : hacker ?
Ce
terme, trop souvent utilisé pour désigner une personne malveillante
en informatique, est en réalité beaucoup plus noble, car il fait
référence à ces étudiants au prestigieux MIT qui, dans les années
50 et 60, passaient des nuits à améliorer des systèmes et des
programmes informatiques.
Certes,
vous allez trouver singulier d’évoquer le hacking sur un blog
consacré à l’hypnose et aux thérapies brèves. Cependant, sortir
des référentiels psychologiques traditionnels est important et il
me semble inconcevable de décrire l’abondance de nos ressources
inconscientes sans passer par des chemins détournés.
Les
premiers ordinateurs étaient de grosses machines rudimentaires
fragiles et capricieuses. Certes, ils étaient capables de réaliser
des calculs relativement complexes, mais ils offraient peu de
souplesse pour des étudiants toujours désireux de les pousser
au-delà de leurs limites. Les hackers oubliaient alors les modes d'emploi et s’échinaient à
dépasser les capacités de ces machines en contournant leurs
contraintes physiques et logicielles, en réinventant constamment
la manière de les utiliser. On parlait alors d’exploits, terme
anglophone toujours en vogue dans le domaine informatique.
En
plus d’être de brillants informaticiens, ces jeunes prodiges
étaient convaincus que le savoir était fait pour être partagé et
rejetaient l'idée d'une autorité centralisatrice. Cette vision, en
apparence utopique, donna naissance quelques années plus tard à
Internet.
Le
hacking serait en quelque sorte une autre formulation de cette
incroyable créativité qui nous habite, cette fertile et surprenante
disposition susceptible de nous aider à dépasser les contraintes et
à repousser les limites.
Les
artistes excellent pour détourner l'utilisation classique de leurs
instruments. Prenons le cas de Gerald Clayton, pianiste au sein de la
formation Roy Hargrove Quintet. Dans la vidéo StrasbourgSaint-Denis, remarquez comment il pose ses mains directement sur les
cordes du piano pour « inventer » un son plus percutant.
(Son chorus commence à 1 minute 40)
La
prestation de Gerald Clayton est évidemment excellente, pour autant,
il n'est pas nécessaire d'être un artiste reconnu pour détourner
quelque chose de sa fonction initiale. L'être humain a naturellement
la capacité de hacker son environnement voire son comportement.
Serait-il
exagéré de considérer que nous sommes tous potentiellement des
artistes ?
Avant
de répondre, considérez tous ces contextes problématiques
susceptibles de survenir dans la vie : une erreur d'orientation,
une maladie, un licenciement, une situation de harcèlement…
La
plupart du temps nous trouvons des solutions à ces problèmes. Il
suffit pour cela d'utiliser le fameux mode d'emploi se trouvant à
portée de main.
Mais
que faire lorsque ce mode d'emploi devient obsolète ? Faut-il
s'obstiner à le lire, à le relire ? Faut-il le feuilleter en
boucle, traduire la version anglaise, espagnole… pour y trouver des
réponses ? Combien de temps doit s'écouler avant de se
convaincre que ce mode d'emploi est bon pour la poubelle ?
Les
situations de blocage évoquées plus haut sont autant d'exemples qui
vont imposer un choix :
- conserver le mode d'emploi initial – situation de contrôle – avec le sentiment illusoire que le mode d'emploi offre plusieurs choix ;
- ou se débarrasser du mode d'emploi.
Bien
évidemment, le deuxième choix est délicat, car jeter un mode
d'emploi à la poubelle c'est prendre le risque de réinventer
quelque chose. Les jeunes hackers ont sans doute eux aussi hésité
avant de bidouiller leurs machines. Cependant, au-delà de cet
écueil, s'offre une multitude de possibilités.
Ainsi,
reconsidérer l'objet que l'on a devant soi, c'est faire fi de tout
ce que l'on sait et penser autrement. Ainsi Christophe Colomb, en
tentant le pari d'une nouvelle route vers les Indes, tombe
incidemment sur un nouveau continent : le navigateur a hacké sa
route maritime.
Pour
mieux expliquer l'idée du hacking, je reviendrai sur l'histoire de
ce patient âgé d'une cinquantaine d'années. Après 30 ans de bons
et loyaux services au sein de la même entreprise, celle-ci allait se
livrer à des licenciements en masse et mon patient ne se faisait
guère d'illusions sur la préservation de son emploi. Il venait donc
en consultation pour tenter de remédier à un stress chronique, mais
aussi pour des contractures musculaires dans l'épaule qui le
faisaient énormément souffrir.
Ce
monsieur est venu deux fois en consultation et n'a ensuite plus
jamais donné de nouvelles.
Quelques
mois plus tard, j'ai reçu sa fille qui souhaitait me voir pour
arrêter de fumer. Elle me raconta alors que son père était
transformé. Celui-ci avait profité de la prime de licenciement pour
acheter un camping-car. Depuis, il sillonne les routes de France et
d'Europe avec sa femme et ses épaules ne le font plus jamais
souffrir.
Bel
exemple de hacking répondant à la question posée plus haut :
non, il n'est pas exagéré de penser que nous sommes tous
potentiellement des artistes.