vendredi 26 février 2016

L’inconscient, ce merveilleux hacker

Avez-vous déjà entendu ce mot : hacker ?
Ce terme, trop souvent utilisé pour désigner une personne malveillante en informatique, est en réalité beaucoup plus noble, car il fait référence à ces étudiants au prestigieux MIT qui, dans les années 50 et 60, passaient des nuits à améliorer des systèmes et des programmes informatiques.
Certes, vous allez trouver singulier d’évoquer le hacking sur un blog consacré à l’hypnose et aux thérapies brèves. Cependant, sortir des référentiels psychologiques traditionnels est important et il me semble inconcevable de décrire l’abondance de nos ressources inconscientes sans passer par des chemins détournés.

Parlons donc du hacking.
Les premiers ordinateurs étaient de grosses machines rudimentaires fragiles et capricieuses. Certes, ils étaient capables de réaliser des calculs relativement complexes, mais ils offraient peu de souplesse pour des étudiants toujours désireux de les pousser au-delà de leurs limites. Les hackers oubliaient alors les modes d'emploi et s’échinaient à dépasser les capacités de ces machines en contournant leurs contraintes physiques et logicielles, en réinventant constamment la manière de les utiliser. On parlait alors d’exploits, terme anglophone toujours en vogue dans le domaine informatique.
En plus d’être de brillants informaticiens, ces jeunes prodiges étaient convaincus que le savoir était fait pour être partagé et rejetaient l'idée d'une autorité centralisatrice. Cette vision, en apparence utopique, donna naissance quelques années plus tard à Internet.
Le hacking serait en quelque sorte une autre formulation de cette incroyable créativité qui nous habite, cette fertile et surprenante disposition susceptible de nous aider à dépasser les contraintes et à repousser les limites.
Les artistes excellent pour détourner l'utilisation classique de leurs instruments. Prenons le cas de Gerald Clayton, pianiste au sein de la formation Roy Hargrove Quintet. Dans la vidéo StrasbourgSaint-Denis, remarquez comment il pose ses mains directement sur les cordes du piano pour « inventer » un son plus percutant. (Son chorus commence à 1 minute 40)
La prestation de Gerald Clayton est évidemment excellente, pour autant, il n'est pas nécessaire d'être un artiste reconnu pour détourner quelque chose de sa fonction initiale. L'être humain a naturellement la capacité de hacker son environnement voire son comportement.
Serait-il exagéré de considérer que nous sommes tous potentiellement des artistes ?
Avant de répondre, considérez tous ces contextes problématiques susceptibles de survenir dans la vie : une erreur d'orientation, une maladie, un licenciement, une situation de harcèlement…

La plupart du temps nous trouvons des solutions à ces problèmes. Il suffit pour cela d'utiliser le fameux mode d'emploi se trouvant à portée de main.
Mais que faire lorsque ce mode d'emploi devient obsolète ? Faut-il s'obstiner à le lire, à le relire ? Faut-il le feuilleter en boucle, traduire la version anglaise, espagnole… pour y trouver des réponses ? Combien de temps doit s'écouler avant de se convaincre que ce mode d'emploi est bon pour la poubelle ?

Les situations de blocage évoquées plus haut sont autant d'exemples qui vont imposer un choix :

  • conserver le mode d'emploi initial – situation de contrôle – avec le sentiment illusoire que le mode d'emploi offre plusieurs choix ;
  • ou se débarrasser du mode d'emploi.

Bien évidemment, le deuxième choix est délicat, car jeter un mode d'emploi à la poubelle c'est prendre le risque de réinventer quelque chose. Les jeunes hackers ont sans doute eux aussi hésité avant de bidouiller leurs machines. Cependant, au-delà de cet écueil, s'offre une multitude de possibilités.
Ainsi, reconsidérer l'objet que l'on a devant soi, c'est faire fi de tout ce que l'on sait et penser autrement. Ainsi Christophe Colomb, en tentant le pari d'une nouvelle route vers les Indes, tombe incidemment sur un nouveau continent : le navigateur a hacké sa route maritime.

Pour mieux expliquer l'idée du hacking, je reviendrai sur l'histoire de ce patient âgé d'une cinquantaine d'années. Après 30 ans de bons et loyaux services au sein de la même entreprise, celle-ci allait se livrer à des licenciements en masse et mon patient ne se faisait guère d'illusions sur la préservation de son emploi. Il venait donc en consultation pour tenter de remédier à un stress chronique, mais aussi pour des contractures musculaires dans l'épaule qui le faisaient énormément souffrir.
Ce monsieur est venu deux fois en consultation et n'a ensuite plus jamais donné de nouvelles.
Quelques mois plus tard, j'ai reçu sa fille qui souhaitait me voir pour arrêter de fumer. Elle me raconta alors que son père était transformé. Celui-ci avait profité de la prime de licenciement pour acheter un camping-car. Depuis, il sillonne les routes de France et d'Europe avec sa femme et ses épaules ne le font plus jamais souffrir.


Bel exemple de hacking répondant à la question posée plus haut : non, il n'est pas exagéré de penser que nous sommes tous potentiellement des artistes.

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