jeudi 11 février 2016

C'est dans la tête !

L’expression « c’est dans la tête ! » est couramment utilisée lorsque la médecine conventionnelle ne parvient pas à expliquer l’origine de certains symptômes. Malgré une batterie d’examens auprès des meilleurs spécialistes, le patient doit se résoudre à ne jamais mettre de mots sur sa souffrance.

Et pourtant les maux existent bel et bien. Le patient n’invente pas ses douleurs abdominales, pas plus que les décharges électriques dans le bas du dos, quand ce ne sont pas d’énormes plaques d’eczéma envahissant ses avant-bras. Et que dire de son mal-être ?

C’est dans la tête !


Comment expliquer que cette expression aussi vide de sens soit autant utilisée aujourd’hui ?
Pour y répondre, peut-être devons nous regarder en arrière et comprendre qu’une longue tradition philosophique occidentale a forgé nos comportements modernes. Les philosophes grecs, notamment Platon, formulèrent plusieurs définitions d’une âme distincte du corps. En outre, les religions, notamment chrétiennes, ont toujours suspecté le corps de céder au vice, posant l’âme – ou l’esprit – sur un piédestal.
Descartes a considérablement influencé notre pensée en distinguant deux substances opposées : le corps et l’âme. Le philosophe posait ainsi les bases d’une longue tradition dualiste où l’esprit dominerait un corps totalement dépourvu d’intelligence.

Certains philosophes ont cependant abordé la question sous un angle opposé. Dans le Livre III de l’Éthique, Spinoza considérait le corps comme un assemblage étrange et dont les mystères restaient à révéler : « Personne, en effet, n’a jusqu’ici déterminé ce que peut le corps, c’est-à-dire que l’expérience n’a jusqu’ici enseigné à personne ce que, grâce aux seules lois de la Nature, − en tant qu’elle est uniquement considérée comme corporelle, − le corps peut ou ne peut pas faire, à moins d’être déterminé par l’esprit »
Sans vouloir entrer dans un débat tendant à prouver – ou non – l’existence de l’âme, la position de Spinoza est intéressante, car elle réhabilite le corps.
Il ajoute : « le corps, par les seules lois de sa nature, peut beaucoup de choses dont son esprit reste étonné » ou encore : « l’esprit est l’idée du corps » – Éthique, livre II.

Aujourd’hui le dualisme corps / esprit – cartésien – a évolué. L’esprit – au sens métaphysique – est poussé sur la touche pour laisser une place importante au cerveau, organe essentiel et centralisateur régissant tout l’organisme. Là encore, les vieilles habitudes restent ancrées dans une sorte de jacobinisme qui placerait le cerveau au-dessus de tout. Bref, ça reste encore et toujours dans la tête !

Il m’arrive souvent, au cours de séances d’hypnothérapie, d’expliquer à mes patients qu’ils pensent dans leur tête. Et d’ajouter ensuite : « mais… la tête n’est-elle pas une partie du corps ? Au même titre qu’une jambe, un bras voire un organe ? Alors, pourquoi ne pas penser avec le corps ? Pourquoi ne pas vous intéresser à cette tension qui se manifeste quelque part… »

Les sciences modernes tendent à bousculer notre manière de percevoir le corps. Elles ont notamment démontré que celui-ci est truffé de neurones : la langue par exemple en contient environ un million.
Ainsi, cette auguste partie de notre corps, le cerveau, serait concurrencé par des organes moins nobles ?
Le colon par exemple, organe secondaire transportant la matière fécale, jouerait un rôle très important et serait une sorte de cerveau entérique fabriquant plus de 95 % de la sérotonine, un neurotransmetteur impliqué dans nos émotions.
Pouvons-nous encore maintenir cette affirmation : c’est dans la tête ?

L’hypnose, telle qu’elle était pratiquée par Milton Erickson et ses épigones a toujours mis le corps en avant, supposant qu’un organe, un tendon, une zone de la peau… étaient susceptibles de contenir l’information, la réponse pour guérir.
Le lâcher-prise est l’outil idéal pour redescendre dans son corps afin de le laisser résoudre un problème.
François Roustang, dans une intervention lors d’une émission la Tête Au Carré, affirmait que le psychisme n’existait pas. Il disait avoir mis 20 ans à le comprendre.
Le philosophe hypnothérapeute résume bien le fond de cet article, car selon lui, seul le corps est intelligent et le psychisme ne sert à rien.

« Ce qui est en face du thérapeute, ce n’est pas le psychisme, mais bien le corps ».




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire