vendredi 5 février 2016

Quand la sidération nous aveugle.


Avez-vous déjà observé un charmeur de serpents ?

Alors que la flûte décrit des cercles répétés, les cobras se synchronisent sur les mouvements et se gardent bien d’attaquer le joueur de flûte.
À première vue, nous serions tentés de penser que le reptile est hypnotisé par la seule mélodie du charmeur. Cependant, rappelez-vous que les serpents ne possèdent pas d’oreille externe. Ils ne sont pas sourds à proprement parler, mais sont très sensibles aux vibrations.
Le charmeur, sachant cela, tape des pieds en rythme sur le sol afin de mettre le reptile en situation de défense. Quant à la flûte, le serpent la considère comme une menace et ondule devant elle pour mieux contrôler la situation.

Le serpent est ainsi piégé par le charmeur et se fige dans une posture de contrôle. On dit qu’il est sidéré, coincé dans une situation dont il ne peut s’extraire.

Cet état de sidération est assez courant chez l’être humain. Certains événements amènent parfois à de telles attitudes. Et les exemples ne manquent pas : une rupture amoureuse, un licenciement, une situation professionnelle délicate, un trouble obsessionnel… sont autant de situations qui font sombrer dans une posture de contrôle absolu totalement improductif.
Bien sûr, le contrôle est un réflexe normal chez l’être humain. Il répond à un schéma, un comportement que l’on adopte pour faire face à telle ou telle situation. Ces schémas sont construits par notre éducation, nos expériences, nos apprentissages, bref, de tout ce que nous avons emmagasiné au cours de notre existence. En somme, ils aident à la prise de décision et sont le fruit d’un empirisme naturel très élaboré.
La plupart du temps ces schémas sont utiles. On se dit qu’ils fonctionnaient hier, alors il n’y a pas de raison pour qu’ils ne soient pas efficaces aujourd’hui. Mais certaines situations rendent ces schémas totalement inopérants. Alors, tel le serpent, on s’installe dans une sidération, un contrôle absolu ne laissant entrevoir aucune sortie.
Le contrôle est l’ennemi de la créativité. Ainsi, lorsque le serpent se trouve fasciné par les mouvements de la flûte et les vibrations émises par le charmeur, il laisse s’échapper de multiples réalités susceptibles de lui offrir bien des échappatoires. A-t-il seulement idée du monde qui s’offre à lui en dehors du panier ?

L’état de sidération est assez facilement décelable chez un patient. Lorsque, à partir de la deuxième consultation, celui-ci raconte la même histoire, il devient nécessaire de lui faire abandonner ses schémas obsolètes. L'hypnothérapeute François Roustang parle à juste titre de « la fin de la plainte », car c’est précisément la plainte qui enferme le patient dans une posture ôtant toute possibilité créative. Il ne voit que la flûte et n’entend que les vibrations émises par les pieds du charmeur.
Répéter une plainte peut offrir un sentiment provisoire de confort. Cependant, ce confort s’estompe rapidement, car la plainte fait rapidement remonter toutes les émotions qui lui sont associées : elle potentialise le mal-être.
C’est à ce moment qu’intervient l’hypnothérapeute. Celui-ci va utiliser différentes méthodes permettant au patient d’interrompre momentanément la plainte. L’objectif est d’écarter les schémas désuets pour les remplacer par des réponses créatives. Ces réponses créatives ne peuvent être apportées par le mental, car le mental est précisément responsable de cette sidération. Celui-ci ne souhaite pas abandonner ses vieux schémas, ses vieilles croyances et se fige dans un processus itératif ; c’est le fameux cercle vicieux de la pensée obsédante.

Le psychothérapeute Paul Watzlawick, célèbre pour ses travaux au sein de l’École de Palo Alto, expliquait qu’un problème n’est jamais insoluble tel qu’il se présente devant vous, mais peut le devenir par la manière dont vous pouvez chercher à la résoudre.
Les méthodes hypnothérapeutiques vont donc contourner les résistances mentales pour aider le patient à entrer dans un dialogue avec ses ressources inconscientes, ces mêmes ressources inconscientes qui permettront de construire une autre réalité et un mieux-être.

En attendant, souhaitons que le cobra ne se laisse pas convaincre par son inconscient créatif. Faute de quoi, la profession des charmeurs de serpents courrait un grand danger.




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